My Personality Hates Me!

Lorsqu’une impulsion motrice rencontre un nerf sensoriel, il en ressort un phénomène de tension appelé affect. L’organisme, au lieu de convertir le mouvement perçu en un acte physique, le transforme en une expression qui lui confère ainsi un visage. Regarder un objet ou une personne en face revient donc à évaluer les qualités et les potentialités ordinairement dissimulées dans le corps d’un individu.

C’est au visage, tout autant qu’aux qualités et aux potentialités que recèle le corps, que se consacre My Personality Hates Me !. Sur le plan purement technique, cette vidéo recourt à la reproduction du visage de Didi Bruckmayr, filmé par une webcam, sur des courbes et des surfaces définies par des paramètres mathématiques (NURBS), ainsi qu’à des figures tridimensionnelles générées en temps réel par un ordinateur et à un morceau de Fuckhead, abondamment remanié. L’affect qui en résulte se retrouve pleinement dans le titre de l’œuvre : il existe en effet un rapport tensionnel intense entre l’expression d’une personne (le visage), toujours saisie à un moment précis, et la somme des qualités et des potentialités qui concourent à former une personnalité tout au long de son évolution individuelle.

Si My Personality Hates Me ! devait nous raconter quelque chose, ce serait pour dire que le visage n’est pas uniquement une expression émotionnelle, mais aussi une prison. « Le visage est (…) un édifice artificiel, politique, qui peut être dépossédé de tout son caractère d’évidence, de tous ses traits apparemment naturels. » (Ulrich Raulff). Dans la mesure où cette dépossession génère ici un affect et, par là même, un visage (éminemment factice et insolite, il est vrai), il se trouve que My Personality Hates Me ! vient conférer à ce processus une ironie supplémentaire.
(Vrääth Öhner)

Traduction : Claude Manac’h